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QU'EST-CE QU'UN CLUSTER?

Il n'existe pas de définition universelle du cluster. On connait les clusters sous plusieurs appellations, notamment les districts industriels, les pôles d’innovation ou encore les pôles de compétitivité. Néanmoins, ils suivent tous la même idée : Il s’agit d’un regroupement de multiples acteurs, soit des universités, chercheurs, investisseurs, groupes industriels, PME, startups, etc.,  dans un secteur donné. Ils profitent donc de la proximité géographique afin de stimuler l’innovation et le développement des entreprises. La croissance des clusters repose principalement sur les réseaux reliant les universités, les laboratoires et les entreprises. La proximité générerait des occasions d’échanges et de collaborations plus importantes.

« La connaissance traverse plus facilement les couloirs et les rues que les océans et les corridors ». (Feldman, 1994)

Les facteurs clés de succès des clusters

Paris-Ile de France Capitale Economique en collaboration avec Deloitte, ont étudié de nombreux clusters au travers le monde afin de déterminer les caractéristiques qui garantissent le succès des clusters.

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1-Cluster 

Les meilleurs clusters regroupent des universités, laboratoires et des grands groupes. C'est un endroit où les savoirs et les projets se croisent et forment un lieu où la coopération et la compétition favorisent innovation. Le renouvellement constant et l’évolution technologique est nécessaire à la survie des clusters.

 

2-Universités

La première échelle du cluster est le campus. Les meilleurs clusters regroupent 2 ou 3 grandes universités procurant une identité forte au cluster. Ces universités offrent des formations diversifiées facilitant les croisements des savoirs et l’innovation. Aussi, les universités fournissent des lieux de rencontre et d’échanges et ils permettent les expérimentations en devenant un laboratoire vivant. 

 

3-Proximité des global cities

Les meilleurs clusters sont situés à proximité des grandes métropoles mondiales, des centres d’affaires ou des centres-villes. La proximité physique permet d’associer pouvoirs publics, entreprises, investisseurs, créateurs d’entreprises aux stratégies des universités. 

 

4-Parc technologique

Les meilleurs clusters sont dotés de zones de laboratoires des entreprises et de développement. Les entreprises en devenir peuvent trouver facilement à se loger pour un coût moindre. Les employés se fréquentent et changent fréquemment d’employeur ce qui encourage l’esprit de compétition et le transfert d’idée. Ces parcs offrent des services qui facilitent la communication et les échanges : centres de conférences, hôtel, lieux conviviaux, cafés, bars, espaces sportifs. 

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Figure : Le cluster en schéma

Source : Priscillia Lavallée

5-Structures spécialisées

Les universités construisent des hôtels d’entreprises, pépinières, incubateurs à proximité immédiate des laboratoires pour faciliter au maximum le lancement des entreprises nouvelles. 

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6-Ouverture sur le monde

Les meilleurs clusters regroupent des étudiants, des enseignants et des actifs d’origine étrangère. Les événements, tels que des congrès, des salons, permettent de faire découvrir les clusters et de se faire valoir au niveau international.

Il était une fois...  un cluster.

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Le premier grand courant théorique mentionnant le concept des effets d’agglomération géographique pour les performances des entreprises est lancé par Marshall en 1890, qu’il définit alors comme le district industriel. Il le décrit comme : «la concentration d’un grand nombre de petites entreprises de même nature dans une même localité » (Marshall, 1890). Il s’agit de profiter de la proximité par la mise en commun des infrastructures, des services et du savoir-faire pour en faire bénéficier les entreprises. Par exemple, les producteurs peuvent partager les coûts de ressources communes, un marché de travailleurs qualifiés localement, de fournisseurs spécialisés et de clients à proximité, etc. C’est ce qu’il définit comme étant les externalités d’agglomération. Aussi, l’atmosphère industrielle induite par la proximité des entreprises et des universités favorise le partage des connaissances et la circulation de nouvelles idées.

 

Le terme cluster prend officiellement origine en Amérique en étant popularisé par Porter en 1980. Porter définit le cluster comme étant un pôle technologique misant sur des relations de compétition et de coopération. Il définit le cluster comme : « un groupe géographiquement proche d’entreprises liées entre elles et d’institutions associées relevant d’un domaine donné, avec lesquelles existent des éléments communs et des complémentarités ». (Porter, 2004). Il croit que l’environnement des entreprises influence grandement leur performance et plus précisément que la proximité et les connexions constituent un avantage majeur. Selon lui, les pressions induites par la compétition ont un effet positif sur l'incitation des entreprises à constamment s'améliorer et à innover. Aussi, cette proximité permet de créer des relations de confiance et les échanges de connaissances entre les membres du cluster.  Bref, ce qui détermine l’innovation, selon Porter, sont la concurrence et la coopération, la diversité des entreprises et l’internationalisation du cluster. Ainsi, les théories de Marshall et Porter ont comme point commun de miser sur la proximité géographique comme déterminant de l’innovation. 

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Des théories récentes remettent en cause la proximité géographique comme nécessaire à l'innovation.

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Plusieurs articles récents remettent en cause la proximité géographique pour expliquer les performances d’innovation régnant au sein des clusters. Ce qui importe d’abord c’est l’appropriation et l’accessibilité des connaissances se déplaçant au sein des clusters (Suire, R., et Vicente, J., 2008). Autrement dit, c’est la capacité à organiser des réseaux de connaissances entre les différents acteurs qui est importante avant tout. Même s’ils sont proches, ils ne savent peut-être pas comment coopérer entre eux (Berthinier Poncet, A., 2012).  De plus, il existe plusieurs exemples de réseaux d’innovation qui sont performants et qui sont pourtant géographiquement dispersés (Loilier, T., 2010). Il existe d’autres proximités qui peuvent pallier l’absence de la proximité géographique et peuvent être tout autant efficaces pour l’innovation, par exemple, la proximité cognitive, sociale, culturelle, linguistique, électronique, etc. Néanmoins, la proximité géographique n’est pas complètement inutile, mais elle n’est pas nécessaire, car d’autres proximités peuvent pallier à l’éloignement. ​

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L'exemple de la Silicon Valley

Localisation: San Francisco

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30 universités, dont Stanford et Berkeley

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Entreprises: Hewlett-Packard (HP), Intel, Apple, Mozilla, Oracle, Yahoo !, Google, Facebook, eBay, Amazon, PayPal, Microsoft …

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Étendu: 5000 km2, 3 millions d’habitant

La Silicon Valley est probablement le cluster le plus connu à travers le monde et l’un des plus efficaces. Elle se localise à San Francisco, dans l’état de la Californie aux États-Unis et elle regroupe 30 universités, dont Stanford auquel elle doit son rayonnement principalement, mais aussi l’importante université de Berkeley. Cette région correspond à une zone géographique  dont ses frontières sont floues et en constante évolution, caractérisée par la présence importante d'entreprises évoluant dans les technologies de pointe, tel que Hewlett-Packard (HP), Intel, Apple, Mozilla, Oracle, Yahoo !, Google, Facebook, eBay, Amazon, PayPal, Microsoft, etc. La Silicon Valley compte environ 3 millions d'habitants et 6 000 entreprises de haute technologie. 

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À l’origine, le territoire était occupé par des terres agricoles pour la culture céréalière, l'arboriculture fruitière et l’élevage. En 1891, l’université de Stanford s’établi sur le territoire. L’histoire du cluster remonte au début du 20e siècle, lorsque l’on voit les premières entreprises mises sur pied par l’initiative des étudiants de l’université. Aussi, le cluster doit principalement son apparition grâce à Frédérick Terman, un professeur au département d’ingénierie électrique de Stanford qui s’intéressait particulièrement à la création d’entreprise dans la région pour les étudiants de l'université. En devenant doyen du département, il invite les entreprises à installer leurs activités de recherche dans le voisinage de l’université, grâce aux 3 230 hectares d’espace disponible dont l’université était propriétaire. De plus, Frederick Terman initia le Honors Cooperative Program, en 1955, qui donnait aux ingénieurs des entreprises locataires un accès favorisé aux programmes de l’université. Cette initiative attira un nombre important d’entreprises dans la région. Les entreprises font profiter à la recherche et l’enseignement de Stanford leurs avancés. Le nom de la Silicon Valley lui a été attribué en 1971 en raison de la concentration d’entreprises de semi-conducteurs. C’est à partir de ce moment que s'est véritablement forgée l'image d'entreprises «startups» devant des géants technologiques et industriels.

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La Silicon Valley connait un succès indéniable pour le développement des entreprises. Par contre, le niveau de vie dans la Silicon Valley se retrouve parmi les plus élevés de la planète. Elle a contribué grandement à diminuer la classe moyenne de la région dans laquelle elle s’insère. Elle est un paradis inabordable (Florida, R., 2011). On retrouve soit les très riches, les cadres ou les gestionnaires d’entreprises par exemple, ou les très pauvres, qui sont généralement les gens faisant partie de la classe moyenne comme les pompiers ou les infirmières par exemple. Ils ont de grandes difficultés pour se loger ou manger à des prix abordables. Ainsi, ils doivent aller habiter en dehors du secteur là où le transport en commun est inefficace.

 

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Vidéo : États Unis, la Silicon Valley, terre d'inégalités 

Source : Youtube

Figure : Manifestation contre la Silicon Valley

Source : Florida, R., 2011

«Les startups technologiques ont contribué à transformer une poignée de zones métropolitaines en mégastars. Maintenant, ils déchirent ces villes.» (Richard Florida, 2011)

Des solutions possibles pour la Silicon Valley?

Ainsi, la Silicon Valley est peut-être l'un des meilleurs clusters au monde en terme d'innovation et de développement d'entreprises, mais elle a contribué également à la baisse drastique du niveau et de la qualité de vie des gens de la classe moyenne. Néanmoins, la haute technologie est une source importante d’innovation, de développement économique, un moteur du progrès économique en offrant et créant plusieurs emplois et il serait déraisonnable de vouloir ralentir son développement. De ce fait, la solution ne serait pas d’abolir les clusters selon Florida, car cela ne réglerait pas le problème, mais plutôt d’utiliser les entreprises pour résoudre et atténuer les problèmes liés au cluster. Ainsi, Florida propose de mettre les ressources, le talent et les compétences de technopoles au service des villes pour résoudre la crise urbaine qu’elle a contribué à créer. Ainsi, il serait pertinent que ces entreprises revoient le développement urbain afin de permettre que toute la population, notamment la classe moyenne, puisse bénéficier des avantages d’un bon développement urbain et ainsi permettre au cluster de survivre. Par exemple, il croit que la solution commence d’abord par fournir plus de logements abordables. Florida croit que les grandes entreprises pourraient travailler de pair avec les villes pour aider à réaliser cela. Ainsi, le prix des logements deviendrait plus abordable et permettrait à la classe moyenne de se loger adéquatement sans se ruiner.  Aussi, il faudrait favoriser le développement du transport en commun de manière à la rendre accessible et efficace. Davantage de transport et une meilleure qualité permettant de relier les zones en marge aux zones en expansion et aux zones technologiques où il y a davantage d’emploi disponible.  Aussi, il faudrait développer l’immobilier et le commercial plus densément autour des arrêts et gares.

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 «Malgré son énergie créative et ses prouesses innovantes, l’industrie américaine de la technologie a généré de nombreux défis pour les villes. Il est temps de mettre ses ressources, son talent et ses compétences au service des villes pour résoudre la crise urbaine qu’elle a contribué à créer.» (Richard Florida, 2011)

 

Le cluster, encore une solution à répéter aujourd'hui?

De nos jours, les grandes entreprises telles que Amazon ou Google par exemple, de même que les startups quittent les clusters pour migrer vers les zones urbaines denses. «La migration de jeunes entreprises de haute technologie vers les villes est moins un renversement qu'une correction historique.» (Florida, R., 2011) Les villes apportent plusieurs avantages par rapport à la banlieue, par exemple, la diversité, l’énergie créative, la richesse culturelle, la vie de rue animée et les ouvertures aux nouvelles idées. Ainsi, les villes attirent les jeunes talents de même que les grandes entreprises. Aussi, les bâtiments industriels et entrepôts constituent des espaces flexibles et adaptables en fonction des besoins des travailleurs, ce qui est l'idéal pour l'implantation de nouvelles entreprises. De ce fait, il semble tout à fait naturel que les zones urbaines et les startups soient compatibles et qu’il y ait un flux de migration vers les villes des entreprises. Ceci dit, est-ce que le cluster est encore aujourd'hui un ''élément'' que l'on devrait répéter? Est-ce qu'il constitue réellement la solution à l'innovation? Est-ce qu'il permettra de créer de nouvelles villes de qualité? Devrait-on revoir la façon de faire? Encore, comment créer un cluster en 2018 qui procure à la fois un milieu où l'innovation est favorisée et où il fait bon de vivre?

Et la France dans tout ça?

En France, c’est en 1997 qu’on voit apparaître les premiers clusters qui sont alors appelés Systèmes Productifs Locaux (SPL). Le SPL, comme le cluster, mise sur la proximité géographique d’entreprises mutualisant les moyens, les outils et les savoir-faire. Environ 160 SPL ont vu le jour depuis 1998 en France. Depuis 2004, les clusters sont appelés pôle de compétitivité en France. Ces pôles suivent les idées clés de la théorie de Porter des clusters, soit que la coopération et la compétition favorisant l'innovation et le développement des entreprises sont induites par la proximité géographique. Ainsi, la France a pour objectif de dynamiser la compétition et l’innovation en misant sur l’arrimage entre industrie, recherche et formation.


Paris-Saclay constitue l'un des multiples projets que la France s'est dotés ces dernières années en vue de développer l'innovation dans leur pays. L'ambition pour Paris-Saclay est qu'il devienne un cluster au rayonnement international. En d'autres mots, ils mentionnent vouloir créer une Silicon Valley à la française

POUR ALLER UN PEU PLUS LOIN ...

Déclin d'un cluster: le cas du Danemark

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Capacité d'adaptation d'un cluster

Figure : Processus de déclin du cluster

Source : Priscilia Lavallée

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Les clusters sont sans cesse exposés aux perturbations externes de l’industrie et du marché. Les capacités d’adaptation des clusters sont importantes pour leur survie.  Dans le cas du cluster du Danemark, cluster de la communication sans fil à la fine pointe de la technologie, il a subit un déclin important engendré par la sortie des grandes entreprises clés. Alors, l’hétérogénéité et la diversité du cluster diminuent drastiquement et les employés hautement qualifiés quittent le cluster. C’est donc la fermeture des entreprises dominantes qui a engendré le déclin massif du cluster du Danemark engendrant la perte de sa forte identité au même moment.

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Ce qui a causé la sortie des grandes entreprises est, selon l’article, le ‘’lock-in’’. Ce verrouillage c’est que les entreprises se sont concentrées sur le développement des compétences technologiques existantes au lieu de développer activement de nouvelles technologies. L’inflexibilité et la rigidité croissantes ont occasionné le déclin.

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La réorientation des entreprises existantes en tant que source de changement adaptatif est importante pour la survie des clusters, mais aussi la création de nouvelles entreprises est également essentielle à la capacité d’adaptation. La Silicon Valley, de même que plusieurs clusters de haute technologie autour du monde, démontrent l'importance des nouvelles entreprises pour la capacité du cluster à se réorganiser face aux perturbations. Aussi, la présence de multinationales influence l’évolution.

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Lorsque la grappe était en phase de croissance, de nombreuses entreprises étrangères sont entrées dans le cluster pour avoir accès à une main-d'œuvre hautement qualifiée. Les multinationales ont contribué à sauver les grandes entreprises lors de période de perturbation en donnant, par exemple, accès à de nouveaux marchés, ressources financières et connaissances. L’entrée des multinationales a donc eu un effet positif sur les capacités d’adaptation du cluster en période de dégradation. Aussi, ces dernières permettent la création de diversités au sein du cluster et le développement de réseaux avec d’autres acteurs externes, ce qui permet de renforcer les capacités d’adaptation du cluster. Les grandes entreprises peuvent également prendre le contrôle d'entreprises défaillantes et préserver les activités du cluster en période de perturbation. Par contre, ces entreprises peuvent aussi quitter le cluster au cours des crises. La décision des entreprises multinationales de se retirer d’un site dépend de la performance globale de la société selon la gravité des perturbations et le bouleversement de l'industrie. Cette sortie d’entreprise clé d’un cluster contribue au déclin massif de ce dernier. 

 

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